Beaucoup de parents pensent aimer inconditionnellement leur enfant, mais en réalité, peu de parents y arrivent. Et c’est normal, car l’amour inconditionnel est sans aucun doute le plus grand défi que nous rencontrons quand nous devenons parents.
L’amour inconditionnel, c’est quoi exactement ?
De nos jours (oui, je parle comme si j’avais 80 ans 😇), on parle énormément d’amour. Que ce soit sur les réseaux, dans les livres, dans les films ou dans les chansons, l’amour est présenté à toutes les sauces, glorifié, vanté, et même défiguré. Le résultat, c’est que lorsqu’on nous parle d’amour inconditionnel, on a l’impression d’entendre la dernière idée à la mode en matière d’éducation, on se dit que l’idée a l’air sympa, mais on ne saisit pas forcément toute la portée de ces deux mots collés ensemble.
Écoutons plutôt le docteur Ross Campbell nous parler d’amour inconditionnel :
« L’amour vrai est inconditionnel et c’est le seul amour dont on peut nourrir un enfant dans une relation véritablement sérieuse. (…) L’amour inconditionnel est l’élément vital du premier fondement de l’art d’être parent. Cela fait 30 ans que je travaille avec les familles et je n’ai jamais, jamais vu une seule exception à ce principe fondamental de l’éducation d’un enfant : il est impossible de discipliner correctement un enfant si notre attitude de base n’en est pas une d’amour inconditionnel. »
Dr Ross Campbell, Aimer et agir
L’amour inconditionnel, c’est l’amour, tout simplement.
On ne devrait pas avoir à préciser « inconditionnel », mais comme je le disais plus haut, notre vision de l’amour est déformée par le matraquage médiatique qui l’évoque à temps et à contretemps. Or, l’amour, c’est Dieu, et rien d’autre. Dieu est amour (1Jn 4, 16), Il est l’amour, et on ne peut pas aimer sans que ce soit Lui qui aime à travers nous. Pourtant, notre monde a complètement dissocié Dieu de l’amour ; pas étonnant qu’on soit complètement perdus quand il s’agit d’aimer vraiment.
L’amour de Dieu est inconditionnel : Il nous aime sans conditions, que nous L’aimions ou non, que nous soyons bons ou non, que nous soyons aimables ou non. Il respecte notre liberté et nous laisse toujours la possibilité de nous détourner de Lui. Mais quoi qu’il arrive, quoi que nous fassions, Il nous aimera toujours. En réalité, Dieu est incapable de ne pas aimer.
De notre côté, nous sommes blessés par le péché originel et notre manière d’aimer s’en ressent. Amour-fusion, amour-possession, amour-égoïsme, amour-besoin de reconnaissance, amour-manipulation… Notre amour a besoin d’être purifié pour devenir semblable à celui de Dieu. Et l’amour de Dieu est un amour inconditionnel.
« L’amour inconditionnel est un idéal auquel un parent doit constamment tendre. Dieu seul aime véritablement inconditionnellement. Lui seul nous aime encore et toujours alors que nous ne méritons pas d’être aimés… Un parent ne peut arriver à faire cela tout le temps, mais il doit essayer de le faire le plus souvent possible. Plus on s’approchera de cet idéal, meilleur parent on sera. »
Dr Ross Campbell, Aimer et agir
Aimer inconditionnellement mon enfant, même quand…
La plupart des parents ont des exigences vis-à-vis de leurs enfants. Cela peut être une exigence de réussite (avoir de bonnes notes, faire de grandes études, gagner des compétitions sportives…), ou encore une exigence de comportement (être poli, ne pas crier ni dire de gros mots, être serviable…). Cela peut aussi être une exigence de qualité (être intelligent, cultivé, sociable, patient…) ou d’apparence (être beau, bien habillé, souriant, photogénique…).
Et cela peut également être une exigence de réciprocité : je me sacrifie pour toi, mais j’attends de toi que tu te sacrifies en retour pour moi. Je te donne tout, mais j’attends en retour que tu me donnes tout. Je t’aime, donc je veux que tu m’aimes aussi, et de la même manière.
Nous, parents, justifions nos exigences en disant que nous voulons le meilleur pour notre enfant, que nous l’aimons et que nous ne voulons que son bien. Pourtant, derrière ces exigences se cachent de sérieux obstacles à l’amour inconditionnel. Toutes ces exigences sont en réalité autant de conditions à notre amour, pour peu que nous ayons l’honnêteté de les regarder en face.
Abandonner nos exigences de parents
J’aime beaucoup ce témoignage d’Anne-Dauphine Julliand, auteur de Deux petits pas dans le sable mouillés. Dans cet extrait de son livre Une journée particulière, elle raconte son propre apprentissage de l’amour inconditionnel :
« Je me souviens de la fierté ressentie quand Gaspard, du haut de ses trois ans, avait déchiffré une syllabe. Je me rappelle avec une pointe de mauvaise conscience ce que j’avais pensé alors : « Mon fils sait lire à trois ans. J’ai engendré un génie. Comme je suis fière ! Comme je l’aime ! » Or, Gaspard n’a pas lu à trois ans, hormis cette syllabe sans doute devinée. Il a appris en classe de CP, comme tous les enfants.
Juste avant les vacances de la Toussaint, il est venu me voir un soir alors que je rentrais du travail, fatiguée et peu disponible. (…) « Tu as vu Maman, je sais lire », m’a-t-il dit les yeux brillants. « Tu es fière de moi ? » Je n’ai pas osé lui avouer qu’au fond de moi, j’étais un peu déçue et lassée d’attendre ce jour depuis quelques années. Gaspard a deviné mon sentiment à la manière détachée dont je lui ai répondu. Je n’oublierai jamais sa phrase : « Maman, tu m’aimes quand même ?« .
Pourquoi n’ai-je pas tout simplement salué son exploit ? Pourquoi n’ai-je pas applaudi des deux mains en entendant mon fils lire pour la première fois ? Pourquoi ne l’ai-je pas juste serré dans mes bras en silence ? Je n’ai pas pu parce que j’attendais de lui plus et mieux. J’attendais de lui qu’il comble mes attentes et les surpasse même ; j’attendais de lui qu’il réalise les projets que j’avais élaborés en l’attendant.
Mon amour était inconsciemment conditionné à sa réussite. Je comprends que jusqu’alors, je n’aimais pas mes enfants pour ce qu’ils étaient, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs qualités et leurs défauts. Je les aimais pour ce que je voulais qu’ils soient. D’un amour exigeant sans être généreux.
Azylis ne lisait pas à trois ans. Elle ne lira pas non plus à sept ans. Elle ne lira jamais. Je ne l’en aime pas moins. Ses aptitudes, ses capacités ne conditionnent pas l’amour que je lui porte. La clé de son bonheur réside là. Elle sait que quoi qu’il arrive, quoi qu’elle fasse ou ne fasse pas, nous l’aimons. Ce n’est pas une hypothèse, c’est une certitude absolue.
Une certitude qui lui permet d’avancer avec sérénité et confiance dans la vie, sans craindre d’échouer, de tomber, de montrer ses limites. Cet apprentissage de l’amour inconditionnel bénéficie bien sûr également à Gaspard et Arthur. Aujourd’hui, j’aime chacun d’eux pour ce qu’il est. Juste pour ce qu’il est. Et pour tout ce qu’il est. Je suis intimement convaincue que rien ne peut les rendre plus heureux. »
L’amour conditionnel détourne l’éducation de son but
J’ai moi-même fait l’expérience de l’amour conditionnel avec mes enfants. Ceux-ci devaient prouver par leur comportement que j’étais une « bonne mère ». Quand ma fille s’est mise à rapidement faire ses nuits, je me suis sentie comme une « super maman » alors que je n’y étais pas forcément pour grand chose. Même si je ne me l’avouais pas, j’étais obsédée par tous les paliers de développement des bébés (tenir assis à 6 mois, marcher à 4 pattes à 9 mois, marcher sans les mains à 1 an, parler à 18 mois…).
Je comparais sans cesse ma fille à ces soi-disant objectifs, et j’avais le sentiment d’être une bonne mère si elle les atteignait. Je ne vous parle même pas des fois où elle a eu de l’avance ! En revanche, quand elle avait du retard, je ressentais une grande insécurité. Je ne pouvais m’empêcher de faire peser sur elle la pression de mes exigences. Et quand notre entourage se permettait de faire une remarque sur son développement, ou ne serait-ce qu’une simple question (« Est-ce qu’elle a commencé à parler ? »), toute ma confiance en moi était minée.
Dans son livre Maman, lâche-moi !, Anne Merlo évoque également ce sujet :
« L’éducation, qui a pour but d’apprendre aux enfants à rejeter le mal pour choisir le bien et la vérité dans l’amour, est détournée au profit de règles qu’il faut respecter. C’est la désobéissance aux attentes de la mère qui devient le mal. Et lorsque l’enfant va réussir à faire son caca au pot, on va lui dire que c’est cela le bien. Les mères risquent ainsi, tout au long du développement de l’enfant, de lui communiquer l’impression que l’important, c’est de faire plaisir à maman. (…) Il n’a pas le droit à l’erreur sous peine d’être moins aimé. Il n’a pas le droit de décevoir ses parents. »
Anne Merlo
Dieu m’a montré quelles blessures étaient à l’origine de mon amour conditionnel. Depuis, je (re)choisis tous les jours d’aimer inconditionnellement mes enfants. Je suis encore bien loin d’y arriver vraiment, mais peu importe. Je garde les yeux fixés sur cet objectif, et non plus sur les objectifs que j’avais fixés pour mes enfants.
Est-ce que je vais faire de mon enfant un « enfant-roi » ?
La principale objection des parents au sujet de l’amour inconditionnel est leur peur de faire de leur progéniture des enfants gâtés à qui on ne refuse rien. Je comprends cette inquiétude car elle m’a moi aussi traversé l’esprit à plusieurs reprises ! J’aime beaucoup cette parole d’Anne Merlo, tirée du même livre que l’extrait précédent :
« »Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » Oui, amour et vérité doivent « fonctionner » ensemble car l’amour sans la vérité produit le laxisme et la vérité sans amour produit la dureté. »
Anne Merlo
Ne rien refuser à nos enfants n’est pas une preuve d’amour envers eux. De nombreuses études le montrent, les enfants ont besoin d’un cadre sécurisant tout autant qu’ils ont besoin d’amour. Quand ce cadre n’est pas accompagné d’amour, l’éducation devient autoritariste et remplie d’exigences destructrices pour l’enfant. L’amour doit toujours s’accompagner d’un cadre, justement parce que nous aimons nos enfants et souhaitons répondre à leurs besoins.
Une fille me disait que ses parents lui donnaient toujours des horaires de retour quand elle sortait de la maison. Elle avait eu la surprise de constater que ce n’était pas le cas des parents de ses amis. Et ces mêmes amis, quand ils allaient chez elle, demandaient souvent à ses parents (à elle) à quelle heure il fallait qu’ils rentrent chez eux. Cela les rassurait, d’une certaine manière, de connaître les limites. Et faute de les recevoir de leurs propres parents, ils allaient les chercher chez les parents des autres.
Eh oui, cadre sécurisant et amour inconditionnel vont très bien ensemble ! Dieu Lui-même n’exige rien de nous, Il nous laisse libres et nous aime tels que nous sommes. En revanche, Il n’hésite pas à poser un cadre (les commandements, notamment) car Il sait que nous en avons besoin pour savoir où aller. Ce cadre est une expression de Son amour pour nous, tout autant que Sa miséricorde.
N’ayons pas peur d’aimer comme Dieu aime
Quand on ne s’est pas senti aimés inconditionnellement par nos parents, il nous est difficile d’envisager que Dieu puisse nous aimer de manière inconditionnelle. Il nous est également difficile d’aimer inconditionnellement, que ce soit nos enfants ou notre conjoint (l’amour inconditionnel envers notre conjoint sera sûrement l’objet d’un prochain article !).
Et de fait, le péché originel a abîmé notre capacité d’aimer. Nous avons donc besoin d’apprendre comment aimer, et le meilleur professeur en ce domaine, c’est bien sûr Dieu ! Faisons-Lui confiance, demandons-Lui de l’aide et acceptons que nous ne soyons pas parfaits. Nos erreurs sont une bonne opportunité de progresser et de demander pardon !
Quant à toi, mon enfant imparfait, parfois pénible, parfois surprenant, souvent source d’émerveillement, je t’aime comme tu es, avec tout ce que tu es 🤍 Et je t’aimerai toujours, quoi qu’il arrive !
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