Aimer, ça s’apprend (comme tout, en fait)

Aujourd’hui, nous allons dénoncer un beau mythe sur l’amour, à l’origine de pas mal de confusions et de difficultés dans les couples et dans les familles… Car, oui, désolée, aimer, ça s’apprend !

La jolie fille, le tombeur et la petite princesse

Laissez-moi vous raconter une histoire digne des plus belles comédies romantiques hollywoodiennes. Clara, jeune célibataire pleine de rêves et d’idéaux, rencontre James, un tombeur au tableau de chasse bien rempli. C’est le coup de foudre. Enfin, pour James. Fou d’amour pour la sage et douce Clara, le jeune homme met tout en œuvre pour la conquérir, à commencer par se « ranger » et devenir « quelqu’un de bien ». Clara se laisse séduire et tombe follement amoureuse à son tour.

Bon, normalement, le film s’arrête là, sur un beau happy end. Mais supposons qu’il continue : Clara et James se marient, achètent la maison de leurs rêves et commencent à faire des projets. L’idée d’un bébé pointe son nez et oh ! miracle, Clara tombe enceinte un mois plus tard. Le jeune couple est comblé, la grossesse se passe comme sur un nuage et le bébé naît après un accouchement idyllique à l’hôpital.

Clara ressent aussitôt un amour immense pour sa petite fille (car oui, c’est une fille) et James se sent le plus heureux des hommes. Le film se clôt sur cette scène idyllique, quelques mois après la naissance : un pique-nique en famille dans un cadre bucolique, la petite fille assise au milieu des fleurs, ses parents, toujours aussi amoureux, s’enlaçant tout en contemplant le fruit de leur amour…

Le mythe de l’amour « facile et spontané »

Alors, oui, vous êtes au courant, les films, ce n’est pas la « vraie vie » (on s’en doutait un peu, mais c’est quand même bien de le rappeler). Pour autant, notre imaginaire collectif est rempli de ce genre d’histoires, qui nous servent inconsciemment de modèle. L’amour serait quelque chose de merveilleux (c’est vrai), de facile (c’est moins vrai), qu’on ressentirait spontanément pour les bonnes personnes et qui durerait toujours (le divorce dans les films, ce sont des gens qui ne s’aimaient pas vraiment à la base, car quand on a rencontré le grand amour, pas de risque de se séparer).

Avec ce genre de vision utopique, il n’est pas étonnant que nous soyons un peu tous des dépités de l’amour, déçus voire amers face à ce constat : l’amour n’est ni facile, ni spontané. Nous en concluons un peu vite qu’il ne faut pas croire en l’amour, qu’on nous a menti comme pour le père Noël, qu’il est temps de grandir et de passer à autre chose.

En réalité, l’amour, c’est comme conduire une voiture : ça s’apprend. Si personne ne vous a jamais expliqué comment faire un créneau ou comment appuyer sur la pédale de frein, vous risquez vite d’avoir un accident et de déclarer, dépité, que conduire n’est pas fait pour vous. Pourtant, avec quelques leçons, vous pourriez vous aussi devenir un conducteur capable et serein, sans avoir à craindre pour votre vie dès que vous prenez le volant !

Apprendre à aimer dès l’enfance

Nous n’avons pas tous la chance d’apprendre correctement à aimer pendant notre enfance. C’est un fait, les premiers « éducateurs de l’amour » sont nos parents. Si nous grandissons dans une famille où l’on s’aime vraiment, avec un modèle parental solide, nous aurons une vision positive de l’amour, qui sera précieuse toute notre vie. A l’inverse, si nous sommes confrontés au divorce de nos parents, à leur absence, à leur manque d’amour, à la maltraitance voire même à l’inceste, nous serons des blessés de l’amour, incapables d’aimer et de se laisser aimer.

Heureusement, il n’est jamais trop tard pour apprendre, et si la première école de l’amour est notre famille, le meilleur des professeurs reste Dieu ! Quand nous aimons, cela signifie que Dieu aime à travers nous. Nous sommes incapables d’aimer sans Lui. C’est le sens de cette magnifique parole de l’apôtre saint Jean :

« Nous aimons parce que Dieu Lui-même nous a aimés le premier » 1 Jn 4, 19

Nos parents ne nous ont peut-être pas aimés d’un amour inconditionnel, mais Dieu, Lui, nous aime tels que nous sommes, quoi que nous fassions. Le couple de nos parents n’a peut-être pas été le meilleur modèle d’amour qui soit, mais Dieu, Lui, peut nous rendre capables d’aimer notre conjoint malgré nos blessures, à travers la grâce du sacrement de mariage. Nous avons peut-être confondu la fusion, ou la possessivité étouffante, avec de l’amour, mais Dieu nous apprend à aimer vraiment, loin des caricatures et des fausses images que nous nous faisons.

Apprendre à aimer notre famille et nos amis

Les premières personnes que Dieu nous donne d’aimer sont les membres de notre famille et notre entourage. C’est un peu sur eux que nous faisons nos « premiers essais », si l’on peut dire, et comme tout jeune conducteur automobile, il est rare que nous fassions un sans-faute du premier coup !

Dans tout apprentissage, il y a une part de tâtonnements, d’erreurs, mais également de persévérance. Personne n’a jamais dit qu’apprendre serait facile, et l’amour est parfois un véritable combat (notamment à cause du péché originel et des tentations contre lesquelles nous devons lutter). C’est pourquoi l’apprentissage de l’amour doit se faire dans la bienveillance, à l’image de Dieu qui ne nous condamne jamais.

La clef de cet apprentissage est justement le pardon. Bienheureuse la famille où chacun sait demander pardon et pardonner ! Une famille où l’on aime, où l’on n’exige pas le « zéro faute » et où l’on est patient envers chacun est une école d’amour exceptionnelle. L’enfant qui y grandit aura beaucoup plus de facilités à comprendre que l’amour de Dieu est inconditionnel et plein de miséricorde.

L’amitié est également précieuse car nous découvrons quelqu’un de différent, avec une relation à entretenir, qui ne pense pas forcément comme nous mais que nous pouvons aimer quand même. En famille, on fait souvent moins d’efforts qu’auprès de ses amis ! Douze frères et sœurs ne remplaceront jamais un ami. C’est pourquoi le manque d’amis vrais peut être si durement vécu, la trahison en amitié se vivant parfois comme un véritable chagrin d’amour.

Apprendre à aimer notre conjoint

Aujourd’hui, quand on s’engage pour la vie avec quelqu’un, on participe généralement à quelques réunions de préparation au mariage avec des couples qui pour la plupart ont déjà deux ou trois enfants et vivent ensemble depuis plusieurs années ! Puis on se marie et on est un peu « lâchés dans la nature », sommés de rester ensemble pour toujours mais sans forcément savoir comment faire pour y arriver.

Certains ont la chance de participer à des retraites pour couples, avant ou après leur mariage, d’être accompagnés par un prêtre ou un couple plus âgé, d’avoir connu des exemples de couples chrétiens solides et ancrés dans l’amour. Mais soyons honnêtes, ce n’est pas la majorité, loin de là ! Beaucoup de jeunes mariés pensent qu’en s’aimant très fort et en priant un peu, ils s’en sortiront. Mais ce n’est pas en essayant très fort et en priant un peu qu’on réussit à conduire une voiture !

Avant de faire notre première communion, nous suivons au moins un an de caté, et je ne parle pas des prêtres et de leurs nombreuses années de séminaire… En tant que couple, nous devons nous préparer au sacrement du mariage de manière complète, réaliste et solide. Pour cela il existe pas mal de solutions, mais qui généralement ne viendront pas à vous toutes seules. A vous de vous renseigner, en sachant que le meilleur investissement de votre vie mérite bien quelques efforts ! Quelques exemples :

  • Participer à des retraites pour couples : pour une formation décapante sur le sacrement de mariage, je vous conseille à 1000% les week-ends Cénacle organisés par la communion Priscille et Aquila ! Mais il existe de nombreuses retraites, proposées par divers prédicateurs et communautés, selon votre sensibilité et vos contraintes géographiques.
  • Lire des livres sur le couple et le mariage : il y en a beaucoup, donc vous devriez trouver votre bonheur. Je pense par exemple aux ouvrages du père Denis Sonet, d’Alex et Maud Lauriot-Prévost, du père Alphonse d’Heilly, de Daniel-Ange…
  • Vous faire accompagner par un prêtre : choisissez un prêtre en qui vous avez confiance, avec qui vous pourrez parler à cœur ouvert, et qui a l’habitude de préparer des couples au mariage.
  • Vous faire accompagner par un couple : il existe des couples formés pour cela, et l’avantage c’est qu’ils connaissent bien le concret du mariage ! De manière générale, évitez de choisir un couple parmi votre famille ou les amis de vos parents – ils ne peuvent pas être juge et partie.

Apprendre à aimer nos enfants

S’il y a bien un type d’amour que l’on pense inné et spontané, c’est l’amour d’une mère/d’un père pour son enfant. La nature fait bien les choses puisqu’au moment de la naissance, la mère comme le père bénéficient de niveaux exponentiels d’ocytocine, l’hormone de l’affection et de l’attachement. C’est comme un coup de foudre qu’on ressentirait pour le bébé ! Mais si les circonstances perturbent la production de cette hormone, l’attachement pourra se faire plus difficilement, ce qui est souvent très mal vécu par les parents.

Le problème, justement, c’est qu’il s’agit d’une hormone, dont les effets ne durent jamais très longtemps. Or, l’amour, lui, résulte d’une décision, d’un acte libre, et hormone ou pas, nous avons tous à choisir d’aimer notre enfant. Il existe cependant un véritable tabou autour de l’amour maternel/paternel : avoir du mal à aimer le fruit de nos entrailles est tellement mal vu que personne n’en parle jamais ! Pourtant, c’est un fait : comme tous les types d’amour, l’amour des parents pour leurs enfants s’apprend et se travaille.

Bon nombre de parents sont désarçonnés face à leurs difficultés à aimer leur enfant. La culpabilité est immense alors qu’il est beaucoup plus simple de reconnaître que nous avons parfois du mal à aimer notre conjoint ou notre belle-mère ! Quand nous comprenons que nous ne sommes pas capables d’aimer (c’est Dieu qui nous rend capables) car le péché originel nous a tous transformés en handicapés de l’amour, que nous acceptons de devoir apprendre et de faire des erreurs, nous sommes alors sur la bonne voie pour sortir de la culpabilité et de la peur d’être une mauvaise mère ou un mauvais père.

Il est donc primordial d’arrêter de propager ces fausses croyances comme quoi l’amour le plus grand et le plus pur est celui d’une mère pour son enfant… C’est faux, car l’amour le plus grand et le plus pur est celui de Dieu pour nous ! En idéalisant l’amour maternel ou paternel, nous nous berçons d’illusions qui nous empêchent de reconnaître humblement notre incapacité à aimer sans Dieu.

Apprendre à aimer ceux que nous n’aimons pas

Jésus nous demande d’aimer nos ennemis et de prier pour ceux qui nous persécutent (Mt 5, 44). Lui notre maître à l’école de l’amour sait de quoi Il parle, puisqu’Il est allé jusqu’à mourir sur une croix pour nous sauver ! Apprendre à aimer les personnes avec qui « nous avons du mal », celles qui ne nous sont pas forcément très sympathiques, celles qui sont pénibles, qui nous critiquent ou qui nous nuisent volontairement… voilà le programme.

Soyons d’accord, ce n’est humainement pas possible 🙂 La question n’est pas de savoir si nous pouvons y arriver (sans Dieu, la réponse est non), car ce qui compte c’est d’apprendre à toujours plus laisser Jésus aimer en nous. Notre objectif en tant que chrétiens est de pouvoir dire comme saint Paul :

« Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré Lui-même pour moi. » Ga 2, 20

C’est pourquoi, pour apprendre à aimer nos ennemis, la première chose à faire est de prier pour eux. Par la prière, nous réactivons la grâce de notre baptême et nous permettons au Seigneur de venir habiter toujours plus profondément en nous. Alors Il pourra toujours davantage aimer à travers nous et nous apprendre l’amour.

Et comme l’amour est un choix, pas un sentiment, peu importe ce que nous ressentons pour telle ou telle personne ; ce qui compte, c’est de décider de l’aimer et de manifester notre choix par des actes. Cela peut être dire du bien de ma collègue agaçante, offrir un cadeau pour l’anniversaire de l’oncle avec qui on s’est brouillé, refuser de critiquer mon voisin pénible ou encore pardonner à la personne qui m’a fait du mal.

En conclusion

(A l’école de l’amour, ceci pourrait être une dissertation !)

S’il fallait ne retenir qu’une chose, c’est que l’amour s’apprend, comme la conduite automobile, et que notre meilleur professeur dans ce domaine est Dieu. N’est-ce pas Jésus Lui-même qui nous demande de « nous mettre à Son école » (Mt 11, 29) ? Ne nous prenons pas pour les champions de l’amour que nous ne sommes pas, et acceptons d’avoir besoin d’apprendre à aimer.

Alors certes, comme dans tous les domaines, certains sont « naturellement » plus doués que d’autres et semblent avoir plus de facilités à aimer. Mais, également comme dans tous les domaines, si ces personnes douées se reposent sur leurs talents et arrêtent d’apprendre, elles seront dépassées par les autres. Jésus nous rappelle, dans la parabole des talents (Mt 25, 14-30), qu’à celui à qui il a été beaucoup donné, il sera beaucoup demandé. Nous avons donc tous à apprendre et à nous laisser aimer.

La bonne nouvelle, c’est que l’amour est dans notre génétique, un peu comme le poisson nage ou l’oiseau vole ! Le péché originel nous a coupé de cela, mais à l’école du Seigneur, nous pouvons réapprendre l’amour et devenir enfin pleinement nous-mêmes. Alors, pour nous encourager sur cette voie, je vous laisse sur ces paroles bien connues de saint Paul (qui a visiblement appris à bonne école) :

« L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais. »
1 Co 13, 4-8

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J'ai voulu créer ce blog quand, encore lycéenne, je me suis mise à chercher des infos sur la vision chrétienne du couple et des relations, et que je n'ai rien trouvé d'intéressant sur internet ! Aujourd'hui, quelques années ont passé, je suis mariée depuis 2019 et maman de trois petits bouts - et vous êtes sur le blog que la lycéenne que j'étais rêvait de créer :)

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