Cet enfant n’est pas le mien

A l’heure de la contraception généralisée, qui oserait encore affirmer que « non, cette grossesse n’était… comment dire… pas tout à fait prévue » ? Quand tant de couples affrontent le douloureux combat de l’infertilité, qui aurait le cran de reconnaître qu’avoir des enfants est parfois une grande joie, mais bien souvent une source de difficultés immenses ? On parle de plus en plus de burn-out maternel, de dépression post-partum, de détresse parentale. C’est bien, et sain, car idéaliser la parentalité et nier les problèmes qu’elle peut engendrer ne fera que la rendre plus dure à vivre encore. Cependant, aurions-nous oublié quelque chose ? Quelque chose d’essentiel, que nous rappelle la Bible, et qui peut tout changer :

Cet enfant n’est pas le mien

Cet enfant est celui de Dieu.

Dieu me l’a confié, nous l’a confié à nous ses parents, pour que nous l’aimions et l’élevions selon Ses commandements. Il nous l’a confié parce qu’Il nous aime, pas parce que nous sommes les plus capables ni les plus saints. Il nous l’a confié sans que nous le méritions, ni même que nous ne nous y attendions parfois. Sacrée responsabilité ! Sacré défi, sacré challenge et surtout, sacré cadeau ! Sans aucun doute le plus beau cadeau que nous puissions jamais recevoir.

Quoi que nous fassions, nous n’avons aucun contrôle sur ce cadeau que Dieu nous fait. La médecine, et plus largement la société d’aujourd’hui, vit dans une illusion de toute-puissance. C’est trompeur, et plutôt orgueilleux. Car seul Dieu est le maître de la vie.

« Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : Que le nom du Seigneur soit béni ! » Job 1, 21

Oui, seul Dieu a le contrôle sur nos vies et sur celles qui nous sont confiées. Nous ne pouvons que constater, avec humilité, que, vraiment, cet enfant n’est pas à nous.

Cela commence bien avant sa conception

Nous voulons cet enfant. Nous le désirons ardemment, comme le fruit de notre amour et notre plus beau projet. Pourtant, il ne vient pas. Ou alors il vient trop tôt, ou trop tard, ou au pire moment. Qui a le contrôle ? Certainement pas nous. Tous les conseils des médecins, toutes les recettes de grand-mère, toutes les méthodes possibles et imaginables ont été mis en œuvre pour que cet enfant soit conçu. Mais cela ne veut pas dire qu’il le sera.

Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que bon nombre de couples, sans enfant pendant des années, réussiront à en concevoir un au moment précis où ils arrêteront d’essayer. Pourquoi ? Bien souvent, c’est parce que c’est à ce moment précis qu’ils ont enfin lâché-prise et touché les limites de leur contrôle des choses. Ce qui ne veut pas dire que les couples qui ont des enfants facilement sont tous dans un abandon parfait à la volonté de Dieu !

Puis vient la découverte…

Un jour, la jeune maman se découvre enceinte. Une grande joie l’envahit, mêlée à un sentiment d’inquiétude. Comme la Vierge Marie au moment d’apprendre sa grossesse, elle se demande : « Comment cela va-t-il se faire ? ». Comment vais-je aller au terme de cette nouvelle aventure ? Aurais-je la force physique et mentale nécessaires ? Y aura-t-il des complications, une fausse couche, une naissance prématurée ? Serai-je une bonne mère ? Comment notre couple va-t-il se retrouver dans tout ça ? Et la fatigue, allons-nous réussir à la gérer ? Allons-nous devoir déménager ? Vais-je devoir arrêter mon boulot ? Etc.

La liste de ces inquiétudes est presque sans fin, même si certains supportent mieux le stress que d’autres. A ce moment-là, il est bon de se rappeler la réponse de l’Ange à Marie : « Rien n’est impossible à Dieu ». Car CET ENFANT N’EST PAS LE MIEN ! Et si je suis incapable, Dieu me rend capable. Il ne me confie pas cet enfant sans me donner les moyens d’en prendre soin. Il ne me confie pas cet enfant pour me mettre en difficulté, mais pour me témoigner de Son amour, me faire grandir et me rendre heureux.

Alors, comme Marie, je peux Lui répondre :

« Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon Ta parole » Lc 1, 38

La grossesse, un grand pas dans la confiance

La grossesse commence mystérieusement et se poursuit de la même manière. Nul besoin d’y penser, de faire quoi que ce soit de particulier : le bébé grandit in utero, nourrit et logé grâce à un processus naturel qui échappe complètement à sa maman, et sur lequel nous n’avons aucun contrôle. Bien sûr, la femme qui se sait enceinte peut faire attention à ce qu’elle mange, aux charges qu’elle porte, aux produits qu’elle utilise, dans le but de se garantir au maximum une grossesse sans complications. Mais au fond, personne n’a de maîtrise sur cette vie qui grandit – personne, à part Dieu.

Que la grossesse se déroule sans problème ou non, nous n’y pouvons pas grand chose. Nos maigres tentatives de contrôle (échographies, suivi médical, compléments alimentaires…) ne sont là que pour nous rassurer et mettre toutes les chances de notre côté. Cependant, fondamentalement, la grossesse n’est pas entre nos mains, ni entre celles des médecins, mais entre celles de Dieu (et heureusement, d’ailleurs).

Nous assistons aujourd’hui à une recherche effrénée du risque zéro dans ce domaine pourtant si délicat et mystérieux. Le triple test effectué pour dépister une éventuelle trisomie en est un exemple parlant. A la moindre « anormalité », au moindre doute, les médecins questionnent la possibilité même de pouvoir poursuivre la grossesse. L’avortement pour raisons médicales est ainsi envisagé dès qu’une anomalie, ou seulement le risque qu’il y en ait une, est décelée. Par ailleurs, des parents n’hésitent pas à porter plainte contre le personnel médical s’il n’a pas repéré « à temps », c’est-à-dire avant la naissance, le handicap de leur enfant.

Loin de moi l’idée de dénigrer le travail souvent si précieux du corps médical, ni de jeter la pierre sur les parents inquiets pendant la grossesse de leur enfant ; je me définis moi-même comme une maman plutôt stressée, et je suis justement bien placée pour savoir qu’accepter de laisser le contrôle à Dieu est le meilleur antidote à toutes nos inquiétudes.

J’ai vécu une première grossesse sous le signe de l’angoisse et de la peur, affolée à l’idée qu’il puisse arriver le moindre problème à mon bébé, et rongée par mon impossibilité à contrôler les évènements. Cela m’a tellement atteinte physiquement et émotionnellement parlant que je me suis promis de ne plus refaire cette erreur. Pour ma seconde grossesse, j’ai complètement lâché-prise et confié ce bébé à Dieu ; parfois, des pensées de crainte me venaient malgré tout à l’esprit, mais je les chassais aussitôt en me disant « plus jamais ça ». Et j’ai vécu une grossesse sereine, paisible, non sans difficultés – mais cette fois-ci, c’était le Seigneur qui les portait, et pas moi.

Quant à l’accouchement…

…c’est également un énorme saut dans le vide où notre seule sécurité se trouve en Dieu. Notre imaginaire collectif est peuplé de récits de naissance catastrophiques, mettant en péril la vie de la mère et celle de l’enfant. La douleur, en elle-même, est une véritable école d’abandon entre les mains du Seigneur. Pourquoi permet-Il que la venue au monde de ce petit être, moment unique de joie et d’amour, se fasse à de tels niveaux de douleur, voire de souffrance quand elle est mal vécue ? Mystère.

Mais s’il y a bien un moment où nous apprenons à lâcher-prise, c’est lors de la naissance de notre enfant. Ma sage-femme avait insisté là-dessus : malgré les progrès de la science et de la médecine, chaque accouchement est unique et nul ne peut vraiment prédire son déroulement. N’est-ce pas la preuve que seul Dieu est aux commandes à cet instant ?

Non, cet enfant n’est pas le mien

Je continuerai à en prendre conscience davantage chaque jour, au fur et à mesure qu’il grandit, qu’il découvre le monde, qu’il apprend et nous surprend, nous ses parents, souvent bien « à la ramasse » face à ce mystère. Nous voulons faire de notre mieux mais expérimentons bien souvent nos limites, comme saint Paul :

« Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. » Rm 7, 19

Là encore, nous n’avons pas le contrôle. Mais finalement, de notre désir d’enfant jusqu’à sa naissance, le Seigneur ne nous préparait-Il pas, au fond de nos cœurs, à Lui faire confiance et à Lui remettre cet enfant ? N’était-ce pas l’école, par excellence, de l’abandon ?

Certes, cela est bien incompréhensible aux yeux de nos contemporains et de la société toute entière, qui parle de droit à l’enfant, traque la moindre anomalie in utero, et s’évertue à nous rappeler sans relâche la liste de tout ce qui pourrait arriver à notre enfant dès son arrivée sur terre. Les appareils de plus en plus sophistiqués pour surveiller le sommeil des bébés en sont un parfait exemple. Mais s’il est important de prendre soin de nos enfants, ne sommes-nous pas en train d’entrer dans une volonté de tout contrôler, de tout maîtriser ? N’est-ce pas finalement, plus anxiogène que véritablement rassurant pour nous, parents ?

Je me souviens ainsi de l’équipe médicale qui, pendant mon séjour à l’hôpital post-accouchement, n’arrêtait pas de nous dire ce qu’il fallait faire ou pas pour éviter la mort subite du nourrisson. Je n’en avais jamais eu peur, avant ; mais à force d’en entendre parler, j’ai fini par en être très angoissée. Les premiers mois, dès que mon bébé dormait plus longtemps que d’habitude, je devenais anxieuse et me retenais de le réveiller. J’y pensais très souvent et ce stress, ajouté à celui que j’avais vécu lors de la grossesse, m’empêchait de pleinement profiter de mon nouveau-né. J’ai dû me faire violence et me répéter à plusieurs reprises : non, cet enfant n’est pas le mien, son existence est entre les mains de Dieu, et Dieu seul est maître de sa vie et de sa mort.

Et la paix revenait en mon cœur, comme jamais aucun appareil de surveillance ou aucun principe de précaution n’aurait pu m’en procurer.

Alors, que vous soyez futurs parents, jeunes parents ou parents expérimentés, je voudrais juste vous redire : nos enfants ne sont pas à nous, ils sont à Dieu qui nous les a confiés. Si nous nous sentons débordés, dépassés, impuissants, c’est normal ; c’est d’ailleurs le rappel constant que nous ne sommes pas capables, seuls, de nous occuper de nos enfants. Mais Dieu veille sur eux, nuit et jour, sans relâche, Lui qui a désiré leur existence bien avant que nous-mêmes existions. Il est au contrôle. Et Il fait des merveilles dans leur vie, tout comme Il fait, à travers eux, des merveilles dans les nôtres.

A l’heure de publier cet article, je suis tombée sur ce poème de Khalil Gibran, totalement par hasard, et je n’ai pas pu m’empêcher de le laisser conclure :
« Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles du désir de la Vie pour elle-même.
Ils viennent à travers vous mais ne viennent pas de vous,
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour, mais non vos pensées, car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez héberger leurs corps, mais non leurs âmes, car leurs âmes habitent la maison de l’avenir, que vous ne pouvez visiter, même en vos songes.
Vous pouvez vous efforcer de leur ressembler, mais ne cherchez pas à faire qu’ils vous ressemblent.
Car la vie ne revient pas sur ses pas, ni ne demeure dans le passé.
Vous êtes les arcs d’où partent vos enfants comme des flèches vivantes.
L’archer voit la marque sur le chemin de l’infini et Il vous courbe avec Sa puissance pour que Ses flèches aillent vite et loin.
Courbez-vous avec joie dans la main de l’Archer ; car autant qu’il chérit la flèche qui vole, Il chérit l’arc immobile. »

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J'ai voulu créer ce blog quand, encore lycéenne, je me suis mise à chercher des infos sur la vision chrétienne du couple et des relations, et que je n'ai rien trouvé d'intéressant sur internet ! Aujourd'hui, quelques années ont passé, je suis mariée depuis 2019 et maman de trois petits bouts - et vous êtes sur le blog que la lycéenne que j'étais rêvait de créer :)

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