Se décentrer de soi-même pour être centré sur Dieu

Voilà une démarche qui va à l’encontre de ce que le monde prône à temps et à contretemps : « pense d’abord à toi », « pars à la découverte de ton moi profond », « agis comme tu le sens »… Pourtant, se décentrer de soi-même est le véritable chemin de la liberté et de l’amour, tel que l’Évangile nous l’enseigne. C’est aussi un chemin de bonheur, car Dieu devient alors le centre de notre vie.

Le piège du développement personnel

La plupart des livres et des conférences sur le développement personnel ou la psychologie en général sont – n’ayons pas peur des mots – centrés sur le « moi », sur l’ego. Qu’est-ce que je ressens ? Quelles sont mes blessures ? Quelles sont mes véritables qualités ? Comment faire pour être pleinement heureux, pour être en paix avec moi-même ? Voilà quelques-unes des questions que ces livres et conférences nous amènent à nous poser, et auxquelles elles tentent de répondre elles-mêmes.

Certes, tout n’est pas faux, tout n’est pas à jeter dans ce mouvement du développement personnel ! D’ailleurs, si tant de gens sont séduits par ce dernier, c’est bien parce qu’il y a au fond de chacun de nous une aspiration à nous connaître et à connaître le bonheur. Mais cette aspiration profonde ne peut être comblée que par Celui qui l’a placée en nous : Dieu Lui-même.

Et c’est là que réside le principal problème du développement personnel : loin de nous pousser vers Dieu, ce dernier nous pousse à toujours plus d’introspection, à toujours plus être centrés sur nous-mêmes. C’est un piège insidieux, caché sous de belles intentions. Car oui, le Christ nous demande d’aimer notre prochain comme nous-mêmes (Mc 12, 31), ce qui implique que nous nous aimions nous-mêmes en premier lieu. Mais c’est précisément le contraire d’un amour égocentrique et narcissique, puisque le but de ce commandement du Seigneur est de nous tourner vers les autres, de les aimer.

Avant tout, être centré sur Dieu

Reprenons ce passage de Mc 12 que nous venons de citer :

« Un scribe s’avança pour Lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »
Mc 12, 28-31

Le premier de tous les commandements – et c’est Jésus Lui-même qui le dit ! – est donc d’aimer Dieu « de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute notre force ». Autrement dit, de L’aimer avec toutes les fibres de notre être, sans partage, sans demie-mesure. De cet amour que nous aurons pour Dieu découlera tout le reste, notamment l’amour de nous-mêmes et l’amour de notre prochain.

C’est donc une invitation claire à centrer toute notre existence sur Dieu, avant toute chose ! Puisque Dieu est notre Créateur, notre Sauveur, notre Défenseur, qu’Il nous connaît mieux que nous-mêmes et nous aime mieux que nous ne pourrons jamais aimer quiconque, il est clair qu’être centré sur Lui est la meilleure « stratégie » possible pour accéder au bonheur et à la paix auxquels nous aspirons.

Saint Paul nous exhorte d’ailleurs à quitter notre égoïsme pour entrer dans l’amour de notre prochain, et devenir ainsi pleinement libres :

« Vous, frères, vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. »
Ga 5, 13

Ainsi, être centré sur Dieu et tourné vers les autres est le véritable chemin de la liberté, tandis que l’égoïsme enferme et isole, nous coupant par le fait même du bonheur que nous recherchons.

Le ressenti ment

C’est un fait, le péché originel a abîmé notre relation à Dieu et aux autres, ainsi que notre relation à nous-mêmes. Nous sommes créés pour vivre une plénitude d’amour, mais la blessure du péché nous rend incapables d’aimer vraiment, et de nous laisser aimer. Seul Dieu peut restaurer notre humanité blessée, tordue, perdue, et nous conduire à Lui.

Notre péché nous pousse toujours davantage à nous centrer sur nous-mêmes. Nous nous coupons alors subtilement de Dieu, en qui nous n’avons pas pleinement confiance, qui nous semble lointain et distant (alors que c’est nous qui nous éloignons, pas Lui). Nous allons alors nous fier à notre ressenti, à nos intuitions, pour discerner et tenter de comprendre le monde qui nous entoure.

Combien de fois n’avons-nous pas dit ou pensé : « J’ai l’impression que c’est le bon choix », « Je ne le sens pas », « Je crois que Dieu veut me dire cela », « J’ai la sensation qu’il faut que je continue dans cette voie »… en nous basant uniquement sur notre ressenti ? Cela se voit également dans nos relations amoureuses : « J’ai l’impression qu’il ne m’aime plus autant qu’avant », « Je ne me sens pas compris », « J’ai le sentiment que nous sommes faits l’un pour l’autre ».

Pourtant, comme le dit l’adage, le ressenti « ment ». Nous pouvons très bien ressentir quelque chose qui n’est pas vrai. Nos intuitions peuvent tout à fait se révéler infondées, nos sentiments et nos émotions être changeants et dépendants de la situation. Si nous laissons notre ressenti nous guider, nous courons un grand risque pour notre vie spirituelle : le risque d’être davantage à l’écoute de nous-mêmes que de Dieu (tout en pensant être à l’écoute de Dieu), et même le risque d’être trompé par le démon, qui sait très bien se servir de nos sensations pour nous détourner de notre but véritable.

A l’écoute de la volonté de Dieu

Un grand piège de la vie spirituelle est donc de penser que nos sentiments sont des indicateurs de la volonté de Dieu. Je peux très bien avoir l’impression que Dieu veut que je fasse tel ou tel choix, sans que cette impression ne vienne de Lui. Certes, parfois, Dieu va utiliser nos sens pour nous parler, pour nous toucher, entrer en relation avec nous. Mais le diable également peut chercher à nous influencer à travers nos sens ! Et sans un minimum de discernement, nous confondrons la volonté de Dieu avec celle du démon, bien que n’ayant aucune intention de suivre ce dernier.

Pour être à l’écoute de la volonté de Dieu, nous n’avons donc pas d’autre choix que de négliger nos ressentis, quels qu’ils soient, et de les compter pour rien. J’ai l’impression que Dieu m’appelle à une grande mission ? Peut-être est-ce vrai, mais ce n’est qu’une impression, donc elle n’a pas d’importance. Si c’est vraiment le plan de Dieu, il se réalisera quoi qu’il arrive. A l’inverse, j’ai la sensation d’être loin de Dieu, j’ai peur de finir en enfer ? Ce n’est encore une fois qu’un ressenti. Dieu seul est mon juge, pas mes sensations !

C’est rassurant, finalement, de se dire que nos ressentis ne comptent pas ! Et c’est surtout un chemin de liberté intérieure : petit à petit, j’apprends à avancer librement en suivant la volonté de Dieu, sans être balloté de tous côtés par des sensations changeantes et pas forcément inspirées. Cela demande un vrai travail de décentrement de soi, à l’opposé de tout ce que le monde nous demande de faire. Et c’est normal, car le « prince de ce monde », Satan en personne, fait tout pour que nous soyons égo-centrés, repliés sur nous-mêmes, à la merci de nos sens et de nos émotions.

Pas étonnant que notre monde aille mal, dans ce contexte ! Tant que nous serons focalisés sur nous-mêmes, nous resterons individualistes, incapables de compatir à la souffrance des autres, obsédés par la satisfaction de nos propres désirs, qu’ils semblent louables ou non. La culture de l’ego n’est rien d’autre qu’une culture de mort. Et l’unique remède est justement de mourir à nous-mêmes, à notre égoïsme, pour vivre pleinement en Dieu :

« Le Pape, l’Église et vous chers jeunes, nous déclarons la guerre à cette culture de mort en mettant notre je suis dans le Je Suis de Dieu »
Saint Jean-Paul II

Consolation et désolation

Saint Ignace de Loyola, grand maître en discernement spirituel, a justement identifié que notre vie spirituelle passe toujours par des périodes de consolation, où nous avons le sentiment d’une grande proximité avec Dieu, et des périodes de désolation, où nous perdons goût à la prière, où Dieu nous semble lointain, où nous avons l’impression d’être « dans le brouillard ». Ces deux phases s’alternent sans cesse, dans le but de nous faire grandir dans le détachement de nous-mêmes et de nos ressentis, pour que nous apprenions à aimer Dieu quelques soient nos dispositions intérieures.

Nous n’échappons pas à cette alternance dans notre vie spirituelle ! Or, si nous nous arrêtons à notre sentiment du moment, nous serons sans cesse à la recherche des consolations (pourtant Dieu veut que nous L’aimions pour Lui-même, pas pour Ses cadeaux) et nous prendrons les désolations pour des punitions de Dieu, ou pour un éloignement de Sa part (alors qu’Il agit peut-être bien davantage en nous à ce moment-là que lors d’une période de consolation).

A nous donc d’être le pilote de nos ressentis, au lieu d’être pilotés par eux ! A nous de choisir de faire en tout la volonté de Dieu plutôt que notre volonté, à ajuster notre volonté à celle de notre Créateur. Certes, dans la vie spirituelle, nous ne comprenons pas tout (voir l’article En finir avec les « pourquoi ?« ), mais cela ne nous empêche pas de dire, comme Marie à l’Ange Gabriel : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1, 38).

Non pas ma volonté, mais la Tienne

Combien de fois disons-nous, en priant le Notre Père : « Que Ta volonté soit faite » ? Et pourtant, bien souvent, c’est notre volonté que nous voulons voir se réaliser. Nous demandons au Seigneur de faire coïncider Sa volonté avec nos envies, avec nos désirs, et nous restons des « bébé-chrétiens », centrés sur nous-mêmes et attendant de Dieu qu’Il soit le grand magicien qui exaucera tous nos vœux !

La vie spirituelle, c’est autre chose. C’est avant tout, comme Jésus nous l’a enseigné, chercher à toujours faire la volonté de Dieu. Le Christ Lui-même n’a jamais rien fait d’autre que la volonté de Son Père. Au mont des Oliviers, conscient de la terrible mort qui L’attend, Il prie en disant : « Père, si Tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas Ma volonté, mais la Tienne. » (Lc 22, 42). Même face à l’horreur de la Croix, Jésus n’a pas reculé, car tout ce qui Lui importait était de faire la volonté de Dieu.

Se décentrer de nous-mêmes pour être centrés sur Dieu, c’est donc apprendre, à l’école de Jésus, à « dissoudre » notre volonté dans la volonté du Père, confiants que c’est là que résident notre bonheur et la vraie liberté. Cela implique de nous oublier, de mourir à nous-mêmes, pour appartenir toujours plus à Dieu, pour entrer dans la Vie. Nous pourrons alors dire avec saint Paul :

« Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. »
Ga 2, 20

Et ça, ça change tout

Dans notre couple, dans notre famille, vivre décentrés de nous-mêmes et centrés sur Dieu est un véritable « game-changer » ! Cela nous fait entrer dans toujours plus d’amour et de patience envers notre conjoint, envers nos enfants, envers nos parents et beaux-parents. Au lieu de rester focalisés sur nos blessures, ce que nous avons « mal digéré », ce que nous ressentons vis-à-vis de telle ou telle personne, nous pouvons librement choisir de laisser le passé au passé et d’avancer. Loin d’être une défaite ou le fruit du découragement, ce choix de nous décentrer de nous-mêmes est en réalité une victoire de l’amour, une victoire sur notre ego, et nous permet d’entrer dans une relation plus profonde et plus ajustée à Dieu, aux autres et à nous-mêmes.

Moi la première, il m’aura fallu du temps pour comprendre que mon ressenti ne devait en aucun cas être ma boussole ! J’étais assez fière de mon intuition, souvent vantée par des proches, et je ne me rendais pas compte que j’avais fini par en faire une idole, qui me guidait à la place de Dieu. Je peux témoigner aujourd’hui, même si le travail n’est pas fini, que se décentrer de soi-même et de nos impressions est profondément libérateur, et permet d’entrer dans une toute nouvelle relation avec Dieu.

Je vous laisse avec cette magnifique prière de saint Charles de Foucauld, qui résume parfaitement cet article :

Mon Père, je m’abandonne à Toi
Fais de moi ce qu’il Te plaira
Quoi que Tu fasses de moi, je Te remercie
Je suis prêt à tout, j’accepte tout
Pourvu que Ta volonté se fasse en moi, en toutes Tes créatures
Je ne désire rien d’autre, mon Dieu
Je remets mon âme entre Tes mains
Je Te la donne, mon Dieu
Avec tout l’amour de mon cœur
Parce que je T’aime, et que ce m’est un besoin d’amour
De me donner, de me remettre entre Tes mains
Sans mesure, avec une infinie confiance
Car Tu es mon Père

 

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J'ai voulu créer ce blog quand, encore lycéenne, je me suis mise à chercher des infos sur la vision chrétienne du couple et des relations, et que je n'ai rien trouvé d'intéressant sur internet ! Aujourd'hui, quelques années ont passé, je suis mariée depuis 2019 et maman de trois petits bouts - et vous êtes sur le blog que la lycéenne que j'étais rêvait de créer :)

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