Quitter son père et sa mère, qu’est-ce que ça veut dire ?

La Bible insiste sur ce point : il faut quitter son père et sa mère. Mais c’est souvent une idée bien floue dans la tête de beaucoup d’entre nous. Moi-même, j’ai mis beaucoup de temps avant de comprendre de quoi il s’agissait. Alors dans cet article, on va faire le point, on va être concret, et on va démystifier cette fameuse phrase si importante pour notre mariage et notre vie personnelle…

Quitter son père et sa mère, c’est un peu contre-évangélique, non ?

Eh bien, justement, non.

C’est au contraire très évangélique, et la Bible en parle à plusieurs reprises :

  • « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. » Gn 2, 24 (remarquez que le péché originel n’a pas encore eu lieu à ce stade, donc cela signifie que « quitter son père et sa mère » est dans le plan de Dieu dès les origines)
  • Jésus cite le verset précédent en Mc 10, 7 et Mt 19, 5
  • Saint Paul le cite également dans sa lettre aux Ephésiens (Ep 5, 31)
  • « Pensez-vous que Je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, Je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. » Lc 12, 51-53
  • « Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ; oublie ton peuple et la maison de ton père : le roi sera séduit par ta beauté. » Ps 44, 11-12

Pour nous qui sommes habitués aux messages d’amour de Dieu, cela peut sembler un peu rude ! Et nous pensons généralement que cela entre en contradiction avec un autre verset célèbre de la Bible, extrait des Dix Commandements :

« Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. » Ex 20, 12

Alors, honorer ou quitter ?

Honorer n’est pas vénérer ni idolâtrer, de cela nous pouvons être sûrs, car Dieu ne veut pas que nous ayons un autre dieu que Lui. Honorer, en hébreu biblique, cela veut dire « donner un juste poids ». Autrement dit, peser ce qui nous a été transmis par nos parents, mais également, mettre nos parents à leur juste place, réajuster notre relation avec eux.

Or bien souvent, nous constatons que nos parents prennent trop de place dans notre vie. Ou qu’ils tendent à vouloir prendre la place de notre conjoint. Ou qu’ils veulent garder leur place d’éducateurs auprès de nous, même quand nous sommes adultes et que nous ne devrions plus leur obéir.

Cette question de la juste place est cruciale, et Jésus Lui-même a eu à remettre Ses parents à leur place. On le voit dans l’épisode où, à 12 ans, Il reste au Temple sans Ses parents, qui le chercheront pendant trois jours :

« En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. » Lc 2, 48-50

Par Sa réponse, Jésus réajuste Sa relation avec Ses parents. Il leur montre que désormais Il obéira à Son Père du Ciel avant de leur obéir à eux. Déjà, à douze ans, Il commence à quitter Son père et Sa mère, se séparant d’eux pendant trois jours. On pourrait se dire qu’Il est ingrat, qu’Il fait souffrir Ses parents, mais en réalité Il les honore en faisant cela !

La loi de l’arrachement

Dans son livre Aimer en actes et en vérité, le père Alphonse d’Heilly consacre tout un chapitre à la question des arrachements. Voici ce qu’il en dit :

« En ce qui concerne le couple, la loi profonde est la suivante : Je ne peux ni comprendre, ni réaliser ce que Dieu me demande aujourd’hui, si je ne m’arrache pas à ce que Dieu me demandait hier. Par conséquent, nous sommes en plein dans une loi de croissance humaine. (…) Je ne peux ni comprendre, ni réaliser, si je ne me dégage pas de que Dieu me demandait hier, donc de ce qui était parfaitement honnête. Il n’est pas question de s’arracher à des choses qui étaient mauvaises, mais aux meilleures choses qui appartiennent maintenant au passé, et qui, par ce fait, mettent le chrétien marié dans une dépendance qui bloque sa croissance d’aujourd’hui. »
Père Alphonse d’Heilly

Ainsi, nous ne quittons pas notre père et notre mère parce qu’ils sont mauvais, ou parce qu’ils ont fait un mauvais travail ! Nous les quittons même si chacun d’eux a été un parent aimant et un excellent éducateur. Nous les quittons pour grandir spirituellement, pour construire notre propre couple, notre propre famille. Et en faisant cela, nous ne sommes pas des enfants ingrats, mais nous honorons nos parents, en leur montrant notamment que grâce à leur éducation et à leur amour, nous sommes désormais capables de voler de nos propres ailes et de vivre sans eux.

Concrètement, quitter son père et sa mère…

…c’est quitter le passé pour vivre dans le présent, quitter toutes nos dépendances vis-à-vis de nos parents, construire une communauté conjugale d’où nos parents sont absents, devenir nous-mêmes parents à notre manière, bref devenir autonomes, indépendants et libres dans l’amour.

Tout parent devrait être fier que son enfant parvienne à cela. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas, les parents devant eux aussi quitter leur progéniture (ce n’est pas un travail à sens unique !). Certains parents s’accrochent à leurs enfants et voient dans leur départ une trahison, un manque d’amour. Si cela vous arrive, ne remettez pas en cause le fait de quitter vos parents. Appuyez-vous sur la Parole de Dieu et refusez de croire aux mensonges et chantages que votre famille veut faire peser sur vous. Vous n’avez pas à culpabiliser d’obéir à Dieu et à votre conjoint au lieu d’obéir à vos parents !

Quelques règles importantes pour réajuster la relation couple/parents (la plupart sont tirées du livre du père Alphonse d’Heilly) :

  • Ne pas faire des réunions de famille un devoir. La construction de notre communauté conjugale passe avant tout.
  • Refuser toute comparaison (positive ou négative) entre le conjoint et nos parents : pas de « ma mère faisait comme ça » ou « je vais demander à mon père, il saura sûrement quoi faire ».
  • Refuser l’argent des parents une fois mariés : l’autonomie financière est essentielle car sinon il y a risque d’emprise des parents sur leurs enfants. Refuser également les cadeaux trop imposants, qui vont nous mettre en situation de dette (« on vous donne une voiture à Noël » ou « on vous offre le papier peint pour rénover votre appart »).
  • Refuser toute emprise directe ou cachée des parents sur l’éducation de nos enfants : nos parents ne doivent en aucun cas éduquer nos enfants. Ils sont leurs grands-parents, pas leur nounou et encore moins leurs parents. Ils ne doivent pas s’immiscer dans notre manière d’éduquer, qui nous est propre et ne les regarde pas.
  • Refuser tout ce qui nous lie avec nos parents et entrave notre liberté et notre autonomie conjugale : il y a un grand danger pour les couples qui habitent sur le domaine de leurs parents, ou qui sont locataires de leurs parents, tout comme pour les couples dont l’un des conjoints travaille dans l’entreprise familiale.
  • Refuser toute intrusion de nos parents dans nos choix : on ne demande pas à nos parents leur avis, on ne les consulte pas pour nos choix (surtout s’ils sont importants !). Le nombre d’enfants, le type de logement, les choix professionnels ou familiaux ne les regardent pas. On les en informe une fois que notre décision est prise, pas quand nous sommes encore en train de discerner et que leur avis peut nous influencer.

Quitter le passé pour de bon

La vie chrétienne est jonchée d’arrachements, et chacun d’eux sont nécessaires à notre épanouissement humain, spirituel et conjugal. Plus largement que nos parents, c’est notre passé que nous avons à quitter. Et c’est souvent là que le bât blesse : nous ne nous rendons pas compte de toute l’influence que le passé a sur nous.

Écoutons de nouveau le père Alphonse d’Heilly :

« Dans tous les domaines, la façon de concevoir l’accueil, la façon de concevoir le budget, la façon de concevoir le nombre d’enfants, la façon de concevoir la vie chrétienne, etc., tout cela est dépendant d’un passé familial que chacun porte en soi. Tout foyer doit comprendre le gros effort de libération qu’il a à faire, sinon comment pourra-t-il construire sa communauté conjugale, sa propre famille, comment pourra-t-il s’ouvrir aux autres, s’il est tout le temps dominé par ce qui précède ? »
Père Alphonse d’Heilly

Certains se disent qu’en faisant tout différemment de leurs parents, cela voudra dire qu’ils les auront vraiment quittés. Mais se construire en opposition de nos parents nous lie tout autant que de suivre sans réfléchir le chemin qu’ils ont tracé pour nous. Ce qui compte, c’est avant tout d’être libre, de ne pas faire nos choix en fonction de nos parents mais en fonction de notre conjoint et de notre couple.

Certaines femmes comparent leur mari à leur père : les unes voudront que leur mari soit aussi travailleur que leur père, les autres qu’il soit moins colérique que lui. Dans les deux cas, elles ne sont pas libres vis-à-vis de la figure paternelle, et leur mari ne peut pas réellement s’épanouir et être lui-même. On pourrait citer aussi des exemples d’hommes qui préfèrent la cuisine de leur mère à celle de leur femme, ou sa manière de tenir la maison, ou qui au contraire veulent absolument que leur femme travaille car leur mère à eux restait « inactive » à la maison…

Notre objectif : répondre à l’appel de Dieu

En tout cela, n’oublions pas que notre objectif premier est d’être fidèle à notre appel ! Si notre appel est le mariage, la première étape est de quitter nos parents, puis de nous attacher à notre conjoint avec le sacrement du mariage, et de ne faire qu’un avec lui (Gn 2, 24). Si nous ne quittons pas vraiment notre famille, nous ne pourrons pas nous attacher pleinement à notre époux/épouse, et nous ne pourrons pas faire un avec lui/elle.

Combien de couples n’arrivent pas à se donner l’un à l’autre à cause d’un passé trop envahissant ? J’ai entendu des témoignages de couples en grande difficulté dans leur sexualité parce qu’ils n’avaient pas quitté leurs parents. De même, certains couples hésitent à avoir d’autres enfants – ou se sentent obligés d’en avoir d’autres – à cause de la pression parentale.

Mais notre objectif est de répondre à l’appel de Dieu, pas aux attentes de nos parents ! C’est un chemin de bonheur, d’épanouissement, de vie. A chaque fois que nous quittons quelque chose pour répondre à notre appel, Dieu nous donne une fécondité nouvelle. Alors, non, ce n’est pas un chemin facile (j’en témoignerai sûrement dans un prochain article 😬) mais Dieu nous donne toujours les grâces dont nous avons besoin pour répondre à Son appel.

Alors n’ayez pas peur de quitter vos parents, votre passé et vos habitudes ! Entrez dans une toute nouvelle aventure, celle que le Seigneur veut pour vous de toute éternité, la liberté nouvelle des enfants de Dieu. Qu’Il vous bénisse dans ce chemin, certes ardu, mais tellement beau 😊

« Amen, Je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de Moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. »
Mc 10, 29-30

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J'ai voulu créer ce blog quand, encore lycéenne, je me suis mise à chercher des infos sur la vision chrétienne du couple et des relations, et que je n'ai rien trouvé d'intéressant sur internet ! Aujourd'hui, quelques années ont passé, je suis mariée depuis 2019 et maman de trois petits bouts - et vous êtes sur le blog que la lycéenne que j'étais rêvait de créer :)

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