A propos de nos idoles – Partie 2 : Le regard des autres

Le regard des autres a-t-il plus d’importance que le regard de Dieu sur moi ? Suis-je vraiment libre de l’opinion que les autres ont de moi ? Suis-je parfois freiné, voire emprisonné par ma peur de déplaire ?

Si ce n’est déjà fait, je vous invite à commencer par lire le premier article de notre série sur les idoles. Cette série doit beaucoup au travail d’Anne Merlo et je l’en remercie vivement ; je ne peux que vous inviter à écouter ses conférences et à lire ses livres sur le sujet !

Le regard des autres, un dieu terrible

« La servante, ayant vu Pierre, se mit de nouveau à dire à ceux qui se trouvaient là : « Celui-ci est l’un d’entre eux ! » De nouveau, Pierre le niait. Peu après, ceux qui se trouvaient là lui disaient à leur tour : « Sûrement tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, tu es Galiléen. » Alors il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme dont vous parlez. » Et aussitôt, pour la seconde fois, un coq chanta. Alors Pierre se rappela cette parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Et il fondit en larmes. » Mc 14, 69-72

L’exemple du reniement de l’apôtre Pierre est célèbre et nous apprend plusieurs choses. Tout d’abord, que même les disciples de Jésus pouvaient avoir peur du regard des autres ; ensuite, que cette idole rend malheureux car, comme toutes les idoles, elle nous coupe de Dieu ; enfin, que cela n’empêche pas le Seigneur de choisir Pierre comme chef de l’Église, preuve s’il en est de la miséricorde de Dieu à notre égard.

Nous voyons également que Pierre avait peur bien avant d’être interrogé par la servante et les autres personnes présentes. En effet, l’évangéliste Marc nous précise qu’il « avait suivi Jésus à distance » (Mc 14, 54) : Pierre n’ose pas s’approcher trop près de Jésus. C’est lui qui s’éloigne, pas Dieu ; de fait, l’idole du regard des autres nous éloigne de Lui car nous ne pouvons pas servir deux dieux à la fois. C’est donc un chemin de mort et de malheur, comme tous les chemins qui nous mènent loin du Seigneur.

Fear God, not people

Les anglo-saxons utilisent parfois cette expression que je trouve très parlante : « Fear God, not people » (« Crains Dieu, pas les gens »). De fait, nous avons souvent tendance à craindre les autres, nous inquiétant de ce qu’ils peuvent penser de nous, ou cherchant à nous assurer une certaine reconnaissance sociale. En revanche, nous avons perdu la crainte de Dieu, qui nous apparaît comme un concept un peu flou, « Dieu » et « crainte » nous semblant antagonistes et difficilement conciliables.

Pourtant la crainte de Dieu est un don de l’Esprit-Saint, une grâce à demander au Seigneur. Voici la définition qu’en donne le site de la Conférence des Évêques de France :

« La crainte de Dieu est une composante de la foi. Cette crainte est faite de respect et de soumission, de confiance en Sa sagesse, en Sa puissance et en Son amour. Elle nous rend réceptif à l’action de l’Esprit Saint. La crainte de Dieu n’est pas synonyme de terreur, mais de profond respect envers Lui. Elle suppose la relation à Dieu. Elle est un des sept dons du Saint Esprit. »

Dieu est un dieu d’amour, mais cela ne l’empêche pas d’être tout-puissant. Nous oublions souvent que nous ne sommes rien sans Lui, et que nous Lui devons tout. Le résultat, c’est que nous nous comportons envers Lui comme envers le petit timide du fond de la classe : même si nous n’avons rien contre lui, nous préférons suivre les élèves populaires car nous trouvons auprès d’eux un statut et le sentiment d’être « quelqu’un qui compte ». En plus, le petit timide ne nous en voudra pas, on aura toujours le temps d’aller lui faire un petit coucou avant de rentrer chez nous.

Pourtant, Dieu nous aime et veut que nous L’aimions sans partage. Il veut occuper la première place dans nos vies ; c’est un dieu jaloux qui est blessé par nos infidélités et nos manques d’amour. Mais nous, nous nous soucions davantage du regard des autres que de Son regard à Lui. Nous cherchons la reconnaissance auprès des autres plutôt qu’auprès de Lui, et nous avons moins peur de Le froisser que de froisser notre entourage. Notre peur d’être rejetés nous rend esclaves des autres.

Qui gouverne ta vie ?

Tes actes sont-ils guidés par ton désir de faire la volonté de Dieu, ou par l’opinion que tu veux que les autres aient de toi ? As-tu parfois peur de passer pour un ringard si l’on découvre que tu es chrétien ? Es-tu vraiment libre de faire tes propres choix, ou es-tu sans cesse contraint, que ce soit par la mode, les tendances, l’opinion dominante, la bienpensance, l’avis de ton entourage ?

Avec les réseaux sociaux, le regard des autres a pris une dimension supplémentaire. Désormais, notre vie privée et celle de millions de personnes sont scrutées quotidiennement, commentées, validées ou critiquées. On parle de la pression des likes, du besoin de « social detox », des problèmes de santé mentale engendrés par ces applications qui envahissent nos vies…

Si l’on regarde plus profondément, on peut dire que l’idole du regard des autres étend plus que jamais sa toile (c’est le cas de le dire). Cette idole amène avec elle l’envie, la jalousie, le matérialisme, la superficialité, l’orgueil et la cupidité. Pour cela, pas besoin d’avoir Instagram, mais il est vrai que scroller nuit et jour sur les réseaux sociaux est un sérieux obstacle à notre liberté et à notre vie intérieure avec le Seigneur.

Bienvenue chez les people pleasers…

Désolée, encore une expression anglaise – je n’ai pas trouvé d’équivalent en français 🙂 Les people pleasers (que l’on peut traduire par « personnes qui cherchent à plaire aux autres ») se caractérisent par le besoin de faire plaisir à leur entourage. Ce sont des individus très (trop) gentils, faisant passer l’intérêt des autres avant le leur et craignant plus que tout de décevoir ou de déplaire.

Un people pleaser aura du mal à dire non et cherchera à éviter le conflit, préférant s’écraser plutôt que de s’affirmer. Généralement, il aura grandi avec des parents exigeants avec qui il valait mieux être d’accord. Ces mêmes parents auront souvent eu tendance à faire peser leurs émotions sur lui, avec des phrases du genre « ça me met hors de moi quand tu fais ça » ou « tu me rends triste avec ton comportement ». Mais le besoin de plaire peut tout aussi bien venir d’un traumatisme relationnel, d’une blessure d’abandon ou d’un grand manque de confiance en soi.

A l’extrême, les people pleasers sont de véritables caméléons qui changent de personnalité en fonction de leur interlocuteur et pour qui « c’est le dernier qui a parlé qui a raison ». Ils ont peur de blesser en donnant leur avis et disent généralement « comme vous voulez » lorsqu’il y a un choix à faire. Ils s’excusent même quand ils ne sont pas en tort et cherchent à se conformer à ce que les autres attendent d’eux.

Cela me fait penser au livre Cessez d’être gentil, soyez vrai ! de Thomas d’Ansembourg. Je ne l’ai pas lu mais j’ai été marquée par son titre qui résume parfaitement le dilemme des people pleasers. Sans aller jusqu’aux comportements extrêmes décrits ci-dessus, nous avons tous un people pleaser en nous ; c’est ce que savent bien le marketing et la publicité, qui nous poussent à acheter des objets dont nous n’avons pas besoin, simplement pour avoir l’illusion d’être « intégré au groupe ».

Une seule solution : détruire l’idole

La première étape de la libération, c’est de prendre conscience que nous avons adoré (et que nous adorons toujours) une idole, alors que nous ne devons adorer que Dieu seul. Nous avons laissé cette idole dicter nos choix et nous éloigner de Dieu. Nous lui avons permis d’assoir son pouvoir sur nous, et il faut désormais que nous la chassions de notre château intérieur pour que le Seigneur puisse reprendre la place qui est la Sienne.

Bien sûr, si vous êtes un people pleaser pathologique, il n’est pas inutile d’aller voir un spécialiste et de suivre une thérapie ; mais il nous faut aller aux racines du mal dont nous souffrons, et ce mal est avant tout spirituel. Pour détruire l’idole du regard des autres, le sacrement de réconciliation est particulièrement efficace, de même que l’Eucharistie. Nous pouvons également demander à Dieu de couper les liens mauvais qui nous entravent ; la prière des frères et la prière de libération nous permettent ainsi de remettre à Dieu cette idole et d’implorer notre guérison.

Enfin, la louange est particulièrement décapante et peut briser toutes nos chaînes, comme nous le montre ce passage des Actes des Apôtres :

« Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les autres détenus les écoutaient. Tout à coup, il y eut un violent tremblement de terre, qui secoua les fondations de la prison : à l’instant même, toutes les portes s’ouvrirent, et les liens de tous les détenus se détachèrent. »
Ac 16, 25-26

Un chemin puissant de libération

L’idole du regard des autres nous empêche d’être pleinement les enfants de Dieu que nous sommes appelés à être. A cause d’elle, Pierre a renié le Christ ; il peut en être de même pour nous. Nous pouvons agir à l’encontre de notre conscience sous la pression des autres, et c’est pourquoi le chemin de liberté intérieure que le Seigneur nous demande d’emprunter est un véritable chemin de bonheur et de sainteté. Notre but à tous est d’être véritablement libres pour pouvoir véritablement aimer, à l’image de Dieu et de Son dessein pour nous.

Je vous parle ici en tant que people pleaser sur la voie de la guérison, et je suis bien placée pour savoir combien il est difficile de lâcher nos idoles pour ne suivre que le Christ 🙂 Mais de petit pas en petit pas, nous allons de victoire en victoire (comme le disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus), de nouvelles habitudes s’ancrent en nous et nous goûtons de plus en plus à la joie de la vraie liberté.

Je voudrais terminer sur cette parole de Jésus, afin que nous soyons toujours plus encouragés à nous détacher du regard des autres :

« Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. » Mt 6, 1-2

Fear God, not people !

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J'ai voulu créer ce blog quand, encore lycéenne, je me suis mise à chercher des infos sur la vision chrétienne du couple et des relations, et que je n'ai rien trouvé d'intéressant sur internet ! Aujourd'hui, quelques années ont passé, je suis mariée depuis 2019 et maman de trois petits bouts - et vous êtes sur le blog que la lycéenne que j'étais rêvait de créer :)

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