Femme chrétienne = tradwife ?

C’est l’une des grandes questions qui secoue les réseaux sociaux : est-ce que toutes les femmes chrétiennes devraient être une tradwife ? S’agit-il seulement d’une mode, ou d’un mode de vie plus sain, plus proche de ce que Dieu veut pour nous ? Que penser de la tendance tradwife qui enflamme TikTok ou Instagram, est-ce réellement transposable dans la « vraie vie » ? Que les tradwives t’enchantent ou te donnent des boutons… prends-toi un bon café, c’est parti, on discute ☕

Une tradwife, qu’est-ce que c’est ? 🤨

A moins de fuir les réseaux sociaux, le terme « tradwife » t’est sûrement déjà un peu familier (ou alors, tu es passé à travers les mailles de l’algorithme d’Instagram – faudra quand même que tu me dises comment). La tradwife, en français « épouse traditionnelle », est une femme au foyer, généralement chrétienne (même s’il y a des exceptions), et suivant un partage des tâches style années 1950 (ou du moins tel qu’on s’imagine le partage des tâches de l’époque).

En résumé, et en grossissant le trait, une tradwife est une femme dévouée auprès de son mari et de ses enfants, s’occupant de la cuisine, du ménage et d’élever sa progéniture, ne travaillant pas à l’extérieur de la maison ni ne faisant garder ses enfants (elle fait d’ailleurs bien souvent l’instruction en famille), et poursuivant un idéal d’authenticité, de retour aux traditions et aux valeurs chrétiennes.

Un des points clivants de ce mouvement (puisqu’il s’agit bien d’un mouvement ayant pris de l’ampleur grâce aux réseaux sociaux) est la promotion d’une forme de soumission de la femme envers son mari, textes de la Bible à l’appui. C’est généralement ce point qui fait hurler les détracteurs de la « tradwife mania », et qui est le premier cité pour la décrédibiliser. Je reviendrai dessus en détail un peu plus loin…

Et pour finir sur la partie définition (qui n’est pas la plus passionnante, mais c’est toujours bien de se mettre d’accord sur ce dont on parle) : le mouvement tradwife, tel qu’on le connaît aujourd’hui, est né en Angleterre et aux Etats-Unis dans les années 2010, principalement chez les chrétiens évangéliques. C’est notamment avec le confinement de 2020 qu’il a pris son essor, popularisé par les réseaux sociaux.

D’ailleurs, petite précision, je ne parlerai ici que des tradwives chrétiennes, pas des tradwives style « pin-up des années 1950 » pour qui il s’agit avant tout d’une esthétique et/ou d’un mode de vie alternatif sans lien avec la foi chrétienne.

Les bons côtés de la tradwife mania 🔥

Il y a du bon chez les tradwives, même si la plupart des articles traitant du sujet se focalisent sur les controverses 😅 Personnellement, je ne peux que me réjouir de voir une telle mise en avant de femmes dévouées pour leur famille, aux antipodes d’un certain discours féministe centré sur la promotion de l’avortement et la haine de la maternité.

Je me réjouis aussi du retour à un mode de vie plus simple et authentique, où le fait-maison redevient la norme, où les mamans n’ont plus honte de se dire « femme au foyer », et où la foi a toute sa place. Que cela soit de plus en plus présent sur les réseaux sociaux est une bonne nouvelle en soi… chassez le naturel, il revient au galop !

Beaucoup de tradwives s’opposent par ailleurs à une culture qui normalise le fait de se plaindre constamment de son mari et de ses enfants, ce que je rejoins complètement. Elles rappellent que pour Dieu les enfants ne sont pas un fardeau mais une bénédiction, et que notre mari a besoin de notre amour et de notre confiance, pas d’être en permanence rabaissé et critiqué… nul besoin de dire que je suis à 100% d’accord avec elles sur ce point.

Le modèle de la femme au foyer a été longtemps considéré comme ringard et dénigré avec force, et il n’est pas surprenant qu’aujourd’hui, par un retour de balancier, il soit de nouveau promu et valorisé. De même, le fait de s’occuper de ses enfants et de sa maison, de préparer de bons petits plats pour sa famille et de soigner son intérieur, a longtemps été vu comme un asservissement des femmes – et aujourd’hui, beaucoup se demandent à juste titre quel mal il y aurait à aimer cuisiner, décorer sa maison et se consacrer à ses enfants.

❌ Le problème avec les tradwives…

Tous ces bons côtés ne veulent pas dire pour autant que tout est ajusté dans ce mouvement, malheureusement (mais dans tout effet de mode il y a forcément des contradictions et des excès, qu’on se le dise).

Un premier sujet concerne le manque de cohérence. Si le mouvement tradwife a pris autant d’ampleur, c’est bien grâce à de nombreuses influenceuses qui en ont fait la promotion sur les réseaux sociaux, en utilisant des moyens modernes souvent en opposition avec le style de vie qu’elles promeuvent par ailleurs. Difficile de prôner d’une part une vie authentique sans écrans ni virtuel, et de le faire à longueur de journée via ces mêmes écrans et relations virtuelles.

Une autre incohérence réside dans le fait que beaucoup de tradwives critiquent les femmes qui travaillent et laissent leurs enfants à la crèche pendant ce temps-là (sans parler de celles qui critiquent le fait de mettre ses enfants à l’école au lieu de leur faire l’école à la maison)… alors que ces mêmes tradwives travaillent en réalité, certes depuis leur domicile, mais souvent bien plus qu’il n’y paraît, engrangeant des revenus parfois très élevés grâce à leur job d’influenceuse. Incohérence, disions-nous ?

L’effet de mode joue beaucoup, bien sûr, allant jusqu’à créer un modèle de tradwife unique et codifié : port exclusif de robes et non de pantalons (je plaide coupable, je porte moi aussi beaucoup de robes par conviction, mais c’était avant de connaître le mot tradwife en ce qui me concerne 😬), esthétique rurale, fabrication à outrance de pain au levain, instruction des enfants à la maison par défaut, promotion d’une féminité biblique basée sur le livre des Proverbes, mini-ferme dans le jardin, et j’en passe. Cette uniformité rend le tout bien moins authentique finalement.

Ajoutons à cela le fait que le mouvement se politise et se fondamentalise de plus en plus, donnant au grand public l’impression que les femmes chrétiennes sont forcément des tradwives avec tous leurs codes et manières de faire, ont forcément voté Trump, et pensent forcément que travailler à l’extérieur ou porter des pantalons est un péché 😖 Pour la nuance, on repassera !

La femme chrétienne est-elle une tradwife ?

Alors, si on enlève les hashtags et le contenu formaté pour les réseaux sociaux, peut-on affirmer que les femmes chrétiennes devraient toutes être des tradwives (ce que bon nombre de tradwives pensent d’ailleurs, décrétant à temps et à contretemps qu’elles ne suivent pas une mode, mais que le Seigneur leur a tout simplement fait comprendre à quoi devait ressembler une femme chrétienne) ?

Le simple fait de clamer « femme chrétienne = tradwife » est quelque chose qui me dérange beaucoup en soi. Tout cela a quelque chose d’un certain pharisianisme des temps modernes, mélangé à un fondamentalisme manquant cruellement de nuances.

Certes, cela peut avoir quelque chose de rassurant de se dire : pour être une « bonne » femme chrétienne, il faut que je fasse ça, ça, et ça (comprendre : laisser mon mari prendre les décisions, faire l’école à la maison et élever des poules dans le jardin). Il est finalement beaucoup plus exigeant de se passer de « starter pack » (pour reprendre une autre expression d’internet) et de discerner quel est l’appel de Dieu spécifique pour moi.

Car Dieu a un appel unique pour chacun de nous, loin du moule préfabriqué de telle ou telle tendance. Il m’invite à répondre à cet appel pour pouvoir porter du fruit. Chaque saint, chaque chrétien a une couleur et une saveur (si j’ose dire) unique qui, si elle n’existait pas, manquerait. Nous ne sommes pas tous appelés à la même vocation, et même au sein de la vocation au mariage, nous ne sommes pas appelés à suivre le même schéma, mais à découvrir et vivre de la volonté de Dieu pour nous.

A quoi suis-je appelée en tant que femme ?

Les saintes qui nous précédent sont loin d’avoir appliqué le même modèle. Elles ont seulement en commun d’avoir aimé Dieu de tout leur cœur, d’avoir suivi Ses commandements et d’avoir vécu leur vocation d’épouse et de mère (pour celles qui l’ont été) jusqu’au bout.

Sainte Zélie Martin travaillait, elle avait sa propre entreprise et une nourrice gardait ses enfants à domicile. Bienheureuse Maria Beltrame Quattrochi était femme au foyer, mais a publié de nombreux livres. Sainte Gianna Beretta Molla était médecin et a continué à travailler après la naissance de ses enfants. Certaines de ces saintes étaient des citadines (le jardin potager et la mini-ferme étaient donc exclus), d’autres avaient des cuisinières et des femmes de ménage, bref, aucune d’elle ne peut à 100% être qualifiée de tradwife.

Je crois que la question centrale n’est pas « suis-je appelée ou non à être une tradwife ? » mais « à quoi suis-je appelée par le Seigneur ? », tout simplement. Cela peut changer selon les périodes de la vie, selon l’âge des enfants, les nécessités financières du foyer, les opportunités ou nécessités du moment présent. En ce qui me concerne, j’ai parfois télétravaillé pour pouvoir rester auprès de mes enfants, parfois travaillé à mi-temps pour les mêmes raisons, parfois pris un congé parental… Tout n’est pas forcément linéaire dans la vie d’une maman, loin de là !

Ce qui est certain, c’est que dans l’ordre de mes priorités, ma santé physique et mentale passent avant le soin apporté à mon mari et à mes enfants, justement pour que je puisse vraiment me donner à eux (on ne donne rien du tout quand on est cramée). Il aura fallu que je passe par un burn-out maternel pour vraiment le comprendre, mais cela me semble primordial maintenant. Et selon les situations, selon les femmes, travailler pourra parfois être absolument nécessaire pour l’équilibre familial, tout comme le fait de rester à la maison pour les enfants pourra parfois être absolument nécessaire, également.

Un dernier point : soumise ou pas soumise ?

Je ne pouvais pas terminer cet article sans évoquer la question de la soumission de la femme à l’égard de son mari, largement promue par les tradwives, et fortement critiquée par leurs détracteurs 😬 Sans rentrer dans les détails ici (je le ferai sans doute à l’occasion d’un prochain article), j’aimerais quand même donner quelques pistes de réflexion !

La soumission de la femme envers son mari est notamment prônée par saint Paul dans sa lettre aux Éphésiens (Ep 5, 21-24). Notons tout de même que l’apôtre commence par dire « par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres » ! On est loin d’une soumission unilatérale, même si ensuite saint Paul insiste sur la soumission des femmes à l’égard de leur mari.

Certaines tradwives, inspirées par des courants fondamentalistes (je pense par exemple à l’IBLP de Bill Gothard, pour qui les femmes doivent une obéissance stricte à leur père, puis à leur mari, leur interdisant d’émettre le moindre avis sous peine d’être coupées de Dieu de facto…), accordent une importance presque excessive à la question de la soumission ; elles occultent généralement la suite de la lettre de saint Paul aux Éphésiens où l’apôtre enjoint les hommes d’aimer leur femme comme le Christ a aimé l’Église, c’est-à-dire jusqu’à mourir pour elle !

Une vision trop stricte de la soumission évangélique est un terrain propice aux abus, alors que le sens de cette même soumission peut être très beau, source de sainteté et de croissance pour le couple ! Mais pour cela, il faut que l’amour soit premier, que la liberté et la dignité de la femme soient respectées, et que l’homme ne se transforme pas bien sûr en tyran égoïste profitant de sa femme. Il s’agit davantage de mettre en valeur son mari par amour, en lui faisant confiance et en le soutenant, que de s’écraser devant lui.

Bref. Un peu de discernement au sujet des tradwives !

Tout n’est pas à jeter, tout n’est pas à prendre au pied de la lettre. Attention quand même à ne pas faire de la tradwife TikTok LE modèle de la femme chrétienne, comme si cela nous dispensait d’user de discernement pour répondre à la volonté de Dieu. Attention aussi à ne pas rejeter les tradwives en bloc : il est bon que notre société redécouvre l’importance de se consacrer à sa famille, d’aimer son mari sans le critiquer constamment, et de renouer avec une vie plus authentique.

Alors si tu n’as pas les moyens d’arrêter de travailler, si tu habites dans un minuscule appartement en ville ou que tu n’as pas de réseaux sociaux, pas de panique, cela ne t’empêchera pas d’être une sainte épouse et une sainte maman ! Et si à l’inverse le Seigneur t’appelle à rester à la maison, à prendre soin de ceux que tu aimes et à t’éclater dans ta cuisine, vas-y, à fond ! La mode passera, ce qui est de Dieu restera.

Et toi, que penses-tu de la tendance #tradwife ? A très vite en commentaires ☺️

J'ai voulu créer ce blog quand, encore lycéenne, je me suis mise à chercher des infos sur la vision chrétienne du couple et des relations, et que je n'ai rien trouvé d'intéressant sur internet ! Aujourd'hui, quelques années ont passé, je suis mariée depuis 2019 et maman de trois petits bouts - et vous êtes sur le blog que la lycéenne que j'étais rêvait de créer :)

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