La colère est, selon la définition du dictionnaire Larousse, un « état affectif violent et passager, résultant du sentiment d’une agression, d’un désagrément, traduisant un vif mécontentement et accompagné de réactions brutales ». S’il est bien une émotion qui a mauvaise réputation, c’est elle ! Et de fait, nous assimilons souvent la colère à la violence, à l’emportement ou à la haine, et nous avons donc peur de notre propre colère et de celle de notre entourage. Alors aujourd’hui, nous allons parler de ce sentiment difficile à aborder, pour essayer de comprendre ce qu’est la colère selon le cœur de Dieu 🙂
Tout a commencé quand je suis devenue maman
J’ai pris conscience un jour que certains comportements de mes enfants me mettaient dans une colère noire, sans que je comprenne pourquoi. Je ne suis pas quelqu’un qui s’emporte facilement, je pense que peu de personnes en dehors de mon mari m’ont déjà vue me mettre en colère… Et là, face aux cris de mes enfants, j’avais l’impression de perdre pieds. Je ne savais pas gérer leur colère, et pour être honnête, je ne savais pas plus gérer la mienne.
C’est de là qu’est partie ma réflexion sur la colère, un sujet qui a fini par me passionner (oui, on a parfois des passions un peu étranges dans la vie, ne me jugez pas 😇). Comme pour tout sujet, la question qui m’intéresse est : qu’en pense Dieu ? A l’origine, quel était Son projet sur ce point précis ? Et donc en ce qui concerne la colère : qu’est-ce que la colère selon le cœur de Dieu ? Y a-t-il une « sainte » manière d’être en colère ?
Vaste programme, hein
Ce que nous avons parfois tendance à oublier, c’est que Jésus Lui-même s’est mis en colère. Nous pensons alors généralement à l’épisode des marchands du Temple, pendant lequel Jésus utilise un fouet et renverse des tables (!!!). Chacun des quatre évangélistes nous rapportent ce récit (Lc 19, 45-46, Jn 2, 14-16, Mc 11, 15-17, Mt 21, 12-13), c’est dire combien cela a marqué les disciples ! Pourtant, à aucun moment il n’est mentionné que Jésus était en colère.
En revanche, le mot « colère » est bien présent dans l’Évangile de St Marc : « Alors, promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leurs cœurs, Il dit à l’homme : « Étends la main. » Il l’étendit, et sa main redevint normale. » (Mc 3, 5). C’est, à ma connaissance, la seule fois où Jésus apparaît en colère dans l’Évangile. Mais Sa « colère » face aux marchands du Temple est davantage connue que l’épisode de la guérison dans la synagogue.
Jésus n’a jamais péché. Comme nous tous, Il a été tenté par le diable, mais Il a toujours su résister à la tentation. S’Il s’est mis en colère, cela signifie que la colère n’est donc pas un péché. En effet, comme toutes les émotions, la colère a été créée par Dieu et n’est pas une conséquence du péché originel. C’est pourquoi Jésus ressent Lui aussi de la colère. Et de notre côté, nous n’avons pas à avoir honte d’éprouver ce sentiment.
A quoi te pousse ta colère ?
Voilà une question importante qui explique pourquoi nous voyons souvent la colère comme quelque chose de négatif. Nous confondons généralement l’émotion, qui est neutre en soi, avec ses manifestations, qui peuvent être positives ou négatives. Notre colère peut nous entraîner à pécher, parfois gravement, comme c’est le cas pour les meurtres par exemple. Mais elle peut aussi nous pousser à faire le bien, notamment pour tenter de réparer l’injustice à l’origine de cette émotion.
C’est d’ailleurs ce qu’affirme saint Paul, repris par saint Polycarpe dans sa Lettre aux Philippiens :
« Je suis sûr que vous connaissez bien les livres sacrés et qu’ils n’ont plus de mystères pour vous. Je ne partage pas votre érudition. Mais cette citation des Écritures me suffit : « Si vous êtes en colère, ne tombez pas dans le péché. Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4, 26) Heureux celui qui se souvient de cette parole ! »
Saint Polycarpe
Si vous êtes en colère, ne tombez pas dans le péché ! Car oui, tout dépend de la manière dont nous gérons notre colère. Un enfant « pique des crises » et va parfois jusqu’à se rouler par terre devant tout le monde car il se sent submergé par ses émotions et est incapable de les gérer. Mais combien de fois, nous adultes, nous ne faisons guère mieux ? Entre les fois où nous « faisons la gueule », celles où nous « pétons un câble », celles où nous crions sans retenue, celles où nous faisons voler les assiettes… nous avons l’embarras du choix !
L’enjeu éducatif des parents
Un ouvrage du psychiatre Ross Campbell, intitulé Aimer et agir, a été déterminant pour moi. L’auteur y consacre un chapitre entier sur la gestion de la colère. Il explique que la colère mal gérée est un véritable problème de société et que c’est aux parents qu’incombe la tâche d’apprendre aux enfants comment être en colère de manière saine. Il insiste particulièrement sur ce point :
« Avez-vous reçu une éducation sur la gestion de la colère ? Probablement pas. Pas plus que la majorité des gens que vous connaissez. Peu, très peu de parents sont conscients que l’enseignement de la gestion de la colère à leur enfant est une de leurs responsabilités les plus importantes. Peu de parents réalisent aussi combien il est difficile de s’acquitter de cette responsabilité » Dr Ross Campbell
La première étape est d’abord d’apprendre à gérer notre propre colère de parents. Et c’est là que le docteur Ross Campbell appuie sur un point sensible : les conséquences de notre colère mal gérée sur nos enfants.
« Une colère mal liquidée altérera ou anéantira la vie de votre enfant. (…) Il est impératif que vous fassiez tout ce que vous pouvez pour sauvegarder votre enfant maintenant et plus tard d’une colère mal gérée. (…) Un enfant n’a aucune défense contre la colère de ses parents et c’est pour cela qu’elle constitue sa plus grande peur. » Dr Ross Campbell
Pour autant, ne culpabilisons pas si nous nous sommes souvent mis en colère devant notre enfant. Nous pouvons lui demander pardon, lui expliquer que nous regrettons d’avoir mal géré notre colère et que nous allons tout faire pour progresser dans ce domaine. Ce sera également précieux pour lui, afin de l’aider à s’excuser après ses propres colères.
Exprimer sa colère en paroles ou en actes
Le docteur Ross Campbell explique qu’on ne peut exprimer sa colère qu’en paroles ou en actions, ce qui dans les deux cas reste désagréable. Nous avons tout intérêt à inciter notre enfant à exprimer sa colère verbalement plutôt que physiquement, et même si cela reste difficile à entendre. Ainsi, si un enfant explose de colère en paroles, nous devons considérer qu’il progresse, puisqu’il n’en est plus au stade de l’expression physique de ses sentiments.
« La façon la plus mûre de manifester sa colère est de le faire verbalement, plaisamment, en la réglant avec la personne qui vous a mis en colère et en trouvant des moyens de la régler vous-même. Donc, quand votre enfant exprime sa colère verbalement, même si cela est désagréable, il est en route vers la maturité. (…) Si vous ne tolérez aucune expression de colère chez votre enfant, il sera obligé, dans un premier temps, de la taire pour éventuellement la manifester de façon passive-agressive. » Dr Ross Campbell
Trop souvent, face à la colère de mes enfants, ma première réaction a été de les faire taire, tout de suite, comme une priorité absolue. En les obligeant à ravaler leur colère, je ne les aidais pas à apprendre à la gérer, et j’ai d’ailleurs remarqué que j’avais moi-même tendance à écraser mes sentiments sans ménagement… Aujourd’hui, j’essaie autant que possible de rester calme, patiente et bienveillante quand mes enfants se mettent en colère, de les écouter et de les aider à se calmer. Bizarrement, cela ne correspond pas à mon inclination naturelle, mais c’est beaucoup plus efficace 😅
J’ai entendu cette phrase un jour, je ne sais plus de qui elle est, mais c’est maintenant l’une des phrases que je dis le plus à mes enfants :
« Je comprends que tu sois en colère/triste/frustré/fatigué… mais ce n’est pas une raison pour crier/lancer tes jouets/taper ta petite sœur… »
En plus de dire cela, j’essaie d’attirer leur attention sur autre chose, ou je leur propose de l’aide, selon les situations. Bon, là je vous partage ma toute petite/humble/minuscule expérience, hein, ne prenez pas ça comme modèle car je suis en plein apprentissage et je ne suis vraiment pas une experte 😁 Mais tout ce que je peux vous dire, c’est que ça marche très bien sur mes enfants ! Et je me le répète aussi à moi-même quand je ressens une émotion que j’ai du mal à gérer : « C’est normal d’être énervée mais ce n’est pas une raison pour péter un câble ma chère ».
Ne pas laisser à la colère le gouvernail de notre vie
Combien de décisions de notre vie sont-elles prises sous le coup de la colère ? Tout comme la peur, la colère est un sentiment puissant qui nous submerge facilement et guide beaucoup de nos actions (pour ne pas dire la majorité d’entre elles). Dans la voiture de notre existence, la colère a le droit d’être présente sur l’un des sièges passagers, mais en aucun cas elle ne doit tenir le volant. Or, bien souvent, c’est le contraire qui se produit.
Quand saint Paul nous dit que le soleil ne doit pas se coucher sur notre colère (Ep 4, 26), il nous rappelle que la colère doit prendre fin et ne pas s’emparer de toute notre existence. Pardonner est essentiel pour ne pas nous laisser dévorer par notre colère, et si la colère rend difficile le pardon, demandons au Seigneur de nous aider à pardonner, comme dans la prière du Notre Père.
Entre conjoints, refusons de nous endormir sur notre colère et demandons-nous mutuellement pardon chaque soir si c’est nécessaire. Une colère rentrée, qui pourrit et se développe à l’intérieur de notre cœur, est un poison mortel. Ne la laissons jamais s’installer, pour notre bien et celui de notre couple ! Mais aussi pour le bien de nos enfants, qui ne doivent en aucun cas être victimes de notre colère – je connais tellement de personnes qui ont été traumatisées enfants par les colères de leurs parents et qui ont encore du mal à s’en remettre…
Bref, reprenons le contrôle sur notre colère, reprenons autorité sur nos sentiments, et ordonnons-leur de faire la volonté de Dieu. L’amour ne s’emporte pas, il prend patience, et il n’entretient pas de rancune, nous rappelle saint Paul (1Co 13, 4-5). De même, la colère de Jésus devant l’endurcissement des pharisiens le pousse non pas à s’énerver, mais à guérir l’homme à la main atrophiée (Mc 3, 5). Et face aux marchands du Temple, Il agit avec force, non pas sous le coup d’une colère non-maîtrisée, mais pour manifester à tous l’amour qu’Il a pour Son Père (Jn 2, 17).
Notre colère, un indicateur précieux
Je pense qu’à ce stade de l’article vous avez compris que je n’ai rien contre la colère en soi ! En fait, elle peut même être vraiment positive en tant qu’indicateur, pour peu qu’on prenne un peu de recul et qu’on ne soit pas trop aveuglés par l’émotion. Ainsi, bon nombre de nos convictions naissent de la colère que nous ressentons face à une injustice, et nous pouvons alors nous appuyer sur ces convictions pour avancer avec solidité dans la vie.
De même, il est intéressant de remarquer pourquoi nous nous mettons en colère. Il y a souvent des situations, des paroles, des comportements qui nous mettent presque automatiquement en colère, et c’est bien souvent l’indicateur d’une blessure à guérir.
Petite anecdote, je me suis inscrite il y a plusieurs mois à un cours gratuit en ligne (en anglais) sur le site de Simply on purpose, intitulé « Stay Safe », au sujet de l’éducation des enfants. La première leçon sur les « core beliefs » m’a fait prendre conscience des raisons pour lesquelles je me mettais en colère contre mon mari ou mes enfants alors que je n’avais jamais réussi à les comprendre jusqu’ici. Il s’agissait d’identifier les croyances fondamentales inscrites en nous, parfois inconsciemment, ce qui m’a permis de mieux me connaître et de mieux faire respecter mes limites – et par le fait même, de beaucoup moins m’emporter.
Alors oui, notre colère est un indicateur précieux, à nous de toujours veiller à ce qu’elle nous pousse vers l’avant !
Quelques ressources pour vous aider à mieux gérer votre colère :
- L’échelle de la colère, développée par le docteur Ross Campbell, permet d’évaluer notre niveau de maturité en gestion de la colère. La voici avec une brève explication sur le site de Top Chrétien.
- Un quizz sur la manière dont vous gérez votre colère et comment vous améliorer dans ce domaine, sur le site officiel des 5 langages de l’amour (en anglais).
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